
LA CATASTROPHE DE TCHERNOBYL
Les premières informations sur la catastrophe sont dévoilées, sans émotion, lors du journal télévisé soviétique, qui annonce, sans évoquer les risques nucléaires, un incendie à la centrale proche de Tchernobyl. La présence de militaires sur le site et dans les villes n’alerte pas la population, habituée à ce type de déploiement. Les habitants des villes alentours sont, quant à eux, prévenus, seulement le lendemain et doivent quitter les lieux ; des comprimés d’iode leurs sont distribués pour empêcher l’iode radioactif de se fixer sur leur glande thyroïde. Ils sont évacués en cars, sans explication et sans avoir le droit d’apporter avec eux des bagages ou leurs animaux de compagnies. La désinformation est telle que les habitants pensent qu’ils pourront regagner leur ville sous quelques jours. Ce n’est que 18 jours après l’incident que le gouvernement russe dévoile au monde entier l’ampleur de la catastrophe.
Pendant ce temps, le nuage radioactif de Tchernobyl s’étend sur une zone de plus en plus conséquente et au bout de quelques semaines, il recouvre déjà 3,9 millions de km², soit 40% de la superficie de l’Europe. Avec lui, il transporte du césium-137 d’une activité supérieure à 4000 Bq/m².




Un dispositif d’urgence est alors mis en place par le gouvernement soviétique pour stopper la catastrophe, mais une nouvelle explosion survient, qui résulte de deux réactions chimiques, l’une causée par la réaction entre l’eau, l’uranium et le graphite en combustion, et l’autre provoquée par la réaction entre le zircon, la vapeur d’eau et le monoxyde de carbone. De très nombreux travailleurs sont alors mobilisés, ainsi que 30 hélicoptères, pour déverser, par sacs de 80kg, des matériaux dans la centrale éventrée. Au total, à peu près 5000 tonnes de matières sont déversées (2400 tonnes de plomb, 1800 tonnes de sable et d'argile, 600 tonnes de dolomite, 40 tonnes de matière à base de boron, et du phosphate de sodium ainsi que des polymères liquides). Les hélicoptères et autres équipements de transports, ayant participé à cette opération, sont aujourd’hui regroupés dans une zone "cimetière", car ils sont contaminés.

Cette opération vise à étouffer le réacteur en fusion ; les acteurs de cette mission ne sont équipés d’aucune protection et sont donc exposés à des doses radioactives de 150 mSv en 8 secondes, soit le temps qu’il leur faut pour déverser un sac, et un débit de 100 Sv/h. Cette dose d’exposition reçue en 8 secondes est plus de 62 fois supérieure à la dose moyenne d’exposition radioactive reçue par un français en une année. Après l’intervention des pompiers pour éteindre les incendies, et la rupture d’une canalisation du circuit d’eau de refroidissement, une grosse quantité d’eau s’est accumulée au fond de la cuve du réacteur. Heureusement, des mineurs ont vidé le fond de la cuve et refroidi le magma, ce qui a évité une explosion nucléaire de 5 MT qui aurait contaminé l’ensemble de l’Europe.
Suite à ces différentes interventions, le bilan est catastrophique, tant sur le plan humain que sur le plan environnemental. Cependant, les médias soviétiques minimisent la catastrophe, par exemple radio Kiev annonce seulement 2 morts suite à cette catastrophe, radio Moscou explique que la qualité de l’eau potable à Tchernobyl n’est pas affectée. Toutes les grandes villes du pays fêtent le 1er mai et relèguent au second rang cet accident majeur. Le Ministère de la santé ordonne de ne pas donner d’informations sur les victimes et les réacteurs 1 et 3 restent mêmes en service 24 heures après l’accident. On assiste alors à une nouvelle émission radioactive qui contamine une nouvelle fois la région de Tchernobyl mais dans un rayon de 65 km cette fois ci. La première véritable conférence sur la catastrophe a lieu 15 jours après l’accident, et c’est seulement 18 jours après que le gouvernement soviétique décide, pour la première fois, de collaborer avec les instances occidentales en informant le monde que l’impensable avait eu lieu.

L’initiative est alors prise de mobiliser des hommes, appelés « liquidateurs », pour nettoyer les territoires contaminés et obstruer la centrale éventrée. Cette opération rassemble entre 800 000 et 1 000 000 de liquidateurs et dure plus de 4 ans (de 1986 à 1991). Les liquidateurs sont composés d’anciens employés de la centrale, de soldats venus du front, de prisonniers sortis des camps, de mineurs, de pompiers et d’ouvriers. Cette fois ci, les équipes affectées à Tchernobyl sont lourdement équipées d’un masque anti-radiation bêta et d’un uniforme en plomb bricolé qui leur avait été fournis, le tout pesant 28 kg. Le personnel envoyé sur le toit du réacteur ne disposait que de 2 ou 3 minutes pour ramasser les débris de graphite radioactif, au risque d’être irradié à mort. En effet, sur le toit, le taux de radioactivité était de 120 Sv par heure, et les rares clichés de l’intervention des liquidateurs sur le toit sont frangés et piqués de points blancs à cause de l’intensité des rayonnements ionisants émanant du toit. Il s’agit également pour les liquidateurs de déverser une pâte collante sur la centrale, pour coller les poussières radioactives, et détruire et enterrer les poussières radioactives. 300 000 m3 de terres contaminées sont ainsi ensevelies sous du béton. Un sarcophage d’acier et de béton de 66 m de hauteur est alors construit pour protéger la centrale. Sept mois après l’explosion, la zone est considérée comme suffisamment nettoyée et les liquidateurs survivants ne sont récompensés pour leur travail héroïque : seulement une centaine d’euros et d’un diplôme de liquidateur. Pourtant, les compteurs Geiger prouvent le contraire ; en effet, la radioactivité n’est alors réduite que de 30%.
